Tomono Iida 飯田 智野
1 mai 2021Tomoko Nakayasu 中安 智子
11 juillet 2021Nous aimons notre vie en France, nous avons beaucoup de bonnes expériences et de souvenirs. Nous regardons devant nous, notre vie ici n’est pas terminée.
Je m’appelle Tomoko Yamamoto. Avec Masaki mon mari, nous habitons à Arles où nous avons notre pâtisserie chocolaterie depuis 2017.
Nous nous sommes rencontrés à Kobe, ma ville natale, en 2000. Masaki est de Okayama, il a appris la pâtisserie française au Japon, il voulait faire ce métier depuis tout jeune. Il a travaillé à Kobe et à Osaka dans des restaurants de cuisine française.
Moi, j’ai étudié la littérature française car à l’université où j’étais, c’était l’option qui me plaisait le plus. Je suis venue plusieurs fois en France, à Paris, en Bretagne, pour les vacances.
J’ai commencé à prendre des cours pour apprendre à faire le pain, en amateur. Cela m’a tellement passionnée que j’ai voulu en faire mon métier. Il n’y avait pas de formation en boulangerie à cette époque au Japon, alors j’ai étudié pour obtenir mon diplôme en pâtisserie, tout en travaillant dans une boulangerie.
Comme ma passion c’était le pain, j’ai cherché à me perfectionner. J’avais le choix entre la France et l’Allemagne, deux pays connus pour leurs pains. Je connaissais la France grâce à mes études, je parlais un peu français, j’ai donc choisi Paris.
En 2003, je suis venue en France pendant six mois. D’abord à Rouen pour remettre à niveau mon français puis à Paris à l’école Ritz Escoffier, et j’ai ensuite fait un stage de deux mois à l’hôtel du Ritz.
A mon retour au Japon, nous nous sommes mariés. Nous avions le projet de venir travailler en France, alors nous avons fait les démarches pour avoir un visa vacances-travail. Masaki l’a obtenu en 2007, mais pas moi, j’avais dépassé la limite d’âge. Je venais d’avoir notre fille, j’ai arrêté de travailler, je suis restée chez mes parents et j’ai fait des allers-retours entre le Japon et la France.
Masaki était déjà venu en France en 1996 lors de ses études, il y revenait onze ans après. Il a trouvé du travail à Vernon en Normandie puis à Montrichard dans le Loir et Cher, chez Serge Granger qui est Meilleur Ouvrier de France chocolatier. A l’expiration du visa, il est rentré au Japon, en attendant d’avoir un visa de travail définitif, qu'il a eu en 2010.
Il est d’abord parti seul, le temps de trouver un travail et un logement. Il a décidé d’aller vivre à Marseille, par curiosité pour le Sud de la France. Je suis arrivée avec nos deux filles quelques temps après.
Nous sommes restés à Marseille six ans. Masaki travaillait dans une pâtisserie, et moi je donnais des cours de cuisine japonaise.
Quand nous avons eu nos cartes de résidents, nous avons enfin pu réaliser notre rêve, avoir notre pâtisserie. Nous avons cherché dans la région, il y avait ici à Arles cette pâtisserie, l’ancien propriétaire partait à la retraite. C’était propre, bien placé, alors nous l’avons rachetée.
Nous aimons beaucoup Arles, c’est une petite ville tranquille et sûre, la région est belle et la vie y est facile.
En France, il y a moins de stress, au travail comme dans la vie de tous les jours. Au Japon, c’est carré, on doit faire comme ci comme cela, comme tout le monde. C’est une île, on peut s’y sentir enfermé. Quand je suis en France, je sens que je vis, je me sens bien.
Je crois que nous nous sommes bien habitués à la vie française. C’est important de s’intégrer, car nous avons choisi de vivre ici. La culture est différente, des fois nous ne savons pas comment faire. Par exemple pour inscrire nos enfants au lycée. Heureusement, nous avons nos amis français. Les filles grandissent, elles nous aident de plus en plus pour la langue, elles nous corrigent.
Le plus dur pour nous, c’est que les Français ont tendance à être en retard. On peut attendre pendant des jours, des fois ils ne viennent pas aux rendez-vous. Pour nous, c’est incompréhensible. Il y a aussi serrer la main pour dire bonjour, nous nous sommes habitués, mais pas à faire la bise.
Quand je retourne au Japon, je me sens française. Après plus de dix ans en France, on change forcément. Mais quand je suis en France, je me sens toujours japonaise.
Nous repartons au Japon tous les deux ou trois ans, même si nos filles passent tous leurs étés chez mes parents car nous avons beaucoup de travail à la pâtisserie à cette période.
La nourriture japonaise nous manque. Pourtant, depuis notre arrivée en France, il devient plus facile de trouver des ingrédients japonais. Et ici au marché, nous avons la chance d’avoir deux maraîchers japonais qui viennent vendre leur production.
Nous avons la nostalgie des cerisiers en fleur, pour nous les Japonais, c’est un moment de l’année important.
Nous aimons notre vie en France, nous avons beaucoup de bonnes expériences et de souvenirs. Nous regardons devant nous, notre vie ici n’est pas terminée. Nos filles d’ailleurs se sentent plus françaises que japonaises, leur vie est en France. Nous resterons probablement, même à la retraite, pour être auprès d’elles.
Nous sommes arrivés en France avec peu de choses, alors si un jour nous devions repartir au Japon, nous amènerons juste nos chiens.
J'ai découvert la pâtisserie en flânant dans les rues de Arles. Un message sur Instagram, et le rendez-vous était pris.
Si vous passez dans le coin, un détour par la pâtisserie Masaki YAMAMOTO s'impose.