Minoru Kaneko 金子稔
8 mai 2023Sosei Omi 尾美宗静
17 juillet 2023La vie en France est confortable, elle n’est ni trop sérieuse, ni aussi carrée qu’au Japon. Elle a les défauts de ses qualités.
Mon nom est Atsutoshi Hatamoto, je viens d’Osaka. J’habite en France depuis 1999. Je suis resté quelques années à Paris, avant de tout quitter pour venir m’installer à Toulouse avec ma famille.
J’avais entendu beaucoup de bien de cette ville, je n’y connaissais personne, je pouvais recommencer à zéro. J’y vis toujours.
J’étais venu à Paris pour apprendre le mime à l’école de Marcel Marceau. Au Japon, je faisais déjà des spectacles de mime mais j’avais envie de progresser.
Enfant, je voulais un métier pour être sur scène et jouer devant un public. Ce n’est plus le cas aujourd'hui, je préfère rester dans l’ombre.
A l’université, j’ai commencé à faire du théâtre et en parallèle, j’étais assistant de production. J’aidais à l'organisation de spectacles pour des artistes étrangers. J’en ai rencontré beaucoup, leur vie d’artiste toujours en voyage me plaisait bien.
Un jour, j’ai vu les Enfants du paradis de Marcel Carné. Jean-Louis Barrault y jouait Pierrot. Ce film m’a touché. J’ai cherché à en savoir plus sur cet acteur, j’ai appris qu’il avait été un très grand comédien français et directeur d’un théâtre parisien. J’ai aussi découvert Etienne Decroux qui l’avait formé ainsi que Marcel Marceau.
Marcel Marceau, c’était le Dieu du mime. C’est avec lui que j’ai voulu en apprendre plus. Voilà comment je suis arrivé à Paris.
Au début, c’était juste pour voir. J’ai passé l’audition pour entrer dans son école et j’ai été accepté. Je pensais rester le temps de mes deux années de formation, mais la vie a fait que je suis toujours là.
Mes spectacles marchant bien, j’ai pu avoir un visa d'artiste. J’ai rencontré mon ex-femme, nous nous sommes mariés puis nos deux enfants sont arrivés. Je n’avais plus de raison de rentrer au Japon.
Afin de gagner ma vie, je me suis associé pour acheter deux théâtres à Paris, et en parallèle, j’ai continué mes représentations, j’ai voyagé.
Et puis, j’ai commencé à être fatigué de cette vie d’artiste. Avec des enfants, j’avais envie d’autre chose.
Un jour, le spectacle que je donnais à un festival de mime a eu de mauvaises critiques, ça a cassé ma motivation. J’ai décidé d’arrêter. J’ai vendu mes parts dans les théâtres et j’ai quitté Paris.
Pendant un an, j’ai cherché quoi faire, tout en continuant mes spectacles et en étant comédien pour boucler les fins de mois.
La restauration me tentait bien mais je n’avais pas de formation. Un cabaret dans le centre de Toulouse était à vendre, alors avec mon ex, nous nous sommes lancés. On y faisait des dîners spectacles, mais je ne m’y produisais pas, j’étais juste producteur.
Un jour, le cuisinier a démissionné, j’ai été obligé de le remplacer au pied levé. J’ai réalisé que j'en étais capable, et qu’en plus j’aimais bien.
Mes amis m’ont encouragé à ouvrir un izakaya. Il y avait un bar à tapas de libre dans le quartier, je connaissais le propriétaire, je lui ai racheté le fond de commerce et j’ai ouvert Iori.
J’ai mené un temps les deux affaires, puis j’en ai fait le tour. J’ai revendu le cabaret, et quand le cuisinier de Iori est parti, je me suis mis en cuisine.
Les premières années de Iori ont été difficiles, le concept d’Izakaya n’était pas connu. Maintenant, ça va bien. J’ai acheté un autre restaurant dans Toulouse, Juguem où je propose des okonomiyaki, la spécialité de ma région, le Kansai.
J’ai appris à cuisiner en cuisinant, je fais de mon mieux, une cuisine japonaise familiale que tout le monde peut faire. Ce qui m’importe, ce n’est pas ce qu’il y a dans l’assiette, c’est plutôt de passer un bon moment avec mes clients, comme au spectacle. Pour qu’ils repartent contents.
Quand je suis arrivé à Paris, j’ai logé dans un hôtel miteux près de la gare de l’Est, c’était le moins cher que j'avais trouvé. J’allais à la gare pour téléphoner et pour accéder à internet. C’était très sale mais cela reste une bonne expérience.
Je ne parlais ni français ni anglais. J’ai appris la langue sur le tas, et aujourd’hui encore, pour écrire, j’ai toujours des difficultés.
La vie en France est confortable, elle n’est ni trop sérieuse, ni aussi carrée qu’au Japon. Elle a les défauts de ses qualités. Par exemple, les Français veulent tout le temps avoir raison, ils ne s’excusent jamais et vont rarement jusqu'au bout des choses. Cela m’agace mais je reconnais que ce n’est pas si mal.
Rien ne me manque du Japon. Heureusement, car je ne pourrais plus y habiter. N’ayant pas de diplôme, je ne saurais pas quoi faire dans la société japonaise.
J’aurais plutôt envie de changer d’air et d’aller en Asie du Sud-Est. Je me verrais bien en bord de mer, quelque part en Thaïlande, à Bali ou aux Philippines. A accueillir des gens, dans l'hôtellerie ou la restauration. Peut-être moitié ici, et moitié là-bas. Je ne sais pas trop. Déjà, il faut que j’économise.
Si une telle opportunité se présentait, je partirai sans rien amener de la France, car ce sera encore une fois, une nouvelle vie.