Naoko Omori 大森なお子
27 mars 2021Chiharu Tanaka 田中千春
19 avril 2021Dans la vie, il faut essayer pour ne pas regretter, arrêter de se poser des questions, c’est ce que je fais tout le temps.
Je m’appelle Fumie, cela fait quinze ans que j’habite à Paris. Je suis maquilleuse professionnelle depuis que j’ai vingt-et-un an.
Au Japon, je travaillais comme freelance pour la mode, le cinéma et le monde de la musique.
J’ai continué à mon arrivée en France.
Mon chemin a changé petit à petit de direction. Aujourd’hui, j’accueille mes clientes chez moi, je m’occupe de leur visage et de leur santé plus globalement, je leur donne des conseils pour le mieux-être au quotidien.
Maquiller des mannequins, c’est travailler sur le visible. Mais c’est ce qu’il y a à l’intérieur qui m’intéresse depuis de nombreuses années.
J’ai compris petit à petit qu’il y avait beaucoup de chimie dans les produits de maquillage, que ce n’était pas très bien pour la santé. Maintenant, j’utilise pour mes soins des produits naturels labellisés Nature et Progrès, 100% bio et français. J’ai suivi plusieurs formations, je suis diplômée en cosmétique naturelle, en aromathérapie et en ayurvéda.
Je viens de Tokyo mais je suis née et j’ai grandi à Fukuoka sur l’île de Kyushu. J’ai fait une école de beauté. Au Japon, on apprend l’esthétique et la coiffure en même temps.
Mes professeurs avaient organisé un voyage d’études en Europe, deux semaines à visiter les salons de coiffures et de beauté de Londres, Paris et Rome, pour découvrir de nouvelles techniques. J’ai décidé tout de suite d’y participer.
Depuis ce jour-là, je me suis spécialisée dans le maquillage.
Après mon école, j’ai voulu partir à l’étranger pour continuer à apprendre le métier.
New York était ma première idée. Je suis allée trois fois à l’ambassade des États-Unis à Fukuoka pour demander mon visa, cela n’a pas marché. Alors j’ai réfléchi avec mes professeurs, ils m’ont parlé de l’école Christian Chauveau à Paris. Le destin a fait le reste, j’ai eu mon visa du premier coup.
Je suis arrivée à Paris à vingt ans, je ne connaissais personne, je ne parlais pas français. J’étais la seule japonaise parmi des chinoises, des thaïs et des françaises. C’était une excellente école.
Un an après, quand ma formation s‘est terminée, je suis retournée au Japon, directement à Tokyo.
J’ai cherché du travail dans une agence de maquillage. J’ai fait une audition, et j’ai commencé à travailler dès le lendemain matin. J’y suis restée deux ans et demi, ensuite, je me suis mise en indépendante. J’avais beaucoup de travail.
J’ai continué à me former, les techniques traditionnelles de coiffure japonaise, le port du kimono, je suis diplômée de plusieurs marques japonaises, Shue Umera entre autres.
En même temps, j’ai donné des cours de maquillage pour une marque de coiffure, j’ai continué une fois en France, cela a duré huit ans.
Pour mes vacances, je revenais en France, seule ou avec mes amies. J’aimais beaucoup l’ambiance et l’énergie, et puis Paris, c’est une belle ville.
Dès mon premier voyage en France, je me suis sentie comme chez moi, je n’étais pas une étrangère, il y avait du soulagement, c’était très nostalgique. Je n’avais pas peur de tout, j’étais à l’aise avec les gens, même si je ne parlais pas la langue.
Et puis, j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari.
Cette année-là, je voyageais seule, j’avais décidé de passer quelques jours à Aix en Provence. Nous étions dans le même hôtel, il m’a aidée à monter ma valise. J’ai trouvé cela bizarre, mais je n’étais pas indifférente.
On s’est croisé plusieurs fois dans la rue, on a fait connaissance, même si mon français n’était pas très bon. Il m’a donné son numéro de téléphone, me proposant de nous revoir à Paris, avant mon retour au Japon.
Et je l’ai rappelé. Nous avions rendez-vous devant la Comédie française, il y a eu un malentendu, chacun attendait de son côté. On s’est finalement retrouvés au bout de trois heures, c’était drôle, le destin peut être ?
Nous avons beaucoup discuté, je pensais qu’une fois au Japon, l’histoire serait terminée. Le matin de mon départ, j’ai reçu un immense bouquet de roses à l’hôtel, cela m’a touchée, mais je n‘avais pas le choix, il me fallait rentrer.
Il m’a appelé au bout d’une semaine, il avait réservé son voyage pour Tokyo. Moi j’étais super occupée par mon travail, j’ai temporisé, je lui ai dit que j’allais m’organiser. Pendant un mois, il m’a téléphoné tous les jours, j’étais contente mais je me demandais ce qui se passait.
Finalement, j’ai décidé de retourner en France. Nous avons encore parlé, il m’a proposé de m’installer à Paris, de loger chez lui et de chercher un travail. De retour à Tokyo, j’avais besoin de réfléchir, tout allait bien dans ma vie, j’avais plein de clients, un appartement à moi.
Alors, je me suis dit que la vie c’est une fois seulement, j’ai décidé d’essayer.
Je suis restée trois mois à Paris, je ne parlais pas bien français, ma recherche n’a rien donné. A l’expiration de mon visa, j’ai voulu rentrer au Japon.
C’est là qu’il m’a demandée en mariage. Je ne m’attendais pas à ça. Son visage était très sérieux, je n’avais jamais vu une telle expression chez un homme. Ça m’a convaincue !
J’ai commencé à travailler, j’ai rencontré des équipes de mode, des photographes, beaucoup de gens. Au début je parlais anglais puis j’ai appris le français toute seule.
J’ai beaucoup de bons souvenirs ici, avec mes amis, des clients, en voyage. J’aime tout ce que j’ai fait.
Chaque fois, chaque client, c’est une nouvelle expérience, c’est différent du Japon.
J’ai arrêté de travailler dans la mode. Depuis cinq ans, je travaille en salon privé, je fais des soins du visage, je donne des cours de maquillage et j’organise des ateliers de cosmétique naturelle.
J’ai besoin de donner profondément aux gens, j’espère leur apporter ce qu’ils recherchent pour leur beauté et leur santé.
J’aimerais étudier la phytothérapie pour soigner avec les plantes et les minéraux. C’est possible avec mes fournisseurs dans le Sud, alors un jour probablement.
Ce parc où nous avons pris la photo, j’y viens chaque matin pour promener ma chienne. Cela fait dix ans que j’habite le quartier, je l’ai découvert il y a tout juste un an, sur les conseils d’un voisin.
Après la crise de la Covid, je vais continuer ma vie comme avant.
J’ai complètement perdu ma nationalité. Quand je suis avec mes amis, je ne me sens pas japonaise, je ne pense pas non plus que je suis française, je suis moi, c’est tout. Même si physiquement, je reste japonaise.
Je ne sais pas si je retournerai un jour au Japon, la vie change, on verra bien. Mais je ne pense pas. Les traditions et la culture de mon pays vivent en moi. Mis à part les onsen, la cuisine japonaise et ma famille rien ne me manque.
Mon mari est d’origine portugaise. J’ai découvert son pays, il est calme et merveilleux, un peu comme le Japon. Je m’imagine parfois y vivre, dans le Sud, continuer mon activité au bord de la mer, dans une atmosphère plus détendue.
Si je quittais la France, je n’emporterais rien, tout est dans mon cœur, ce pays m’a déjà transformée.
Dans la vie, il faut essayer pour ne pas regretter, arrêter de se poser des questions, chercher son chemin, c’est ce que je fais tout le temps.
J’ai rencontré Fumie via Hiroko Bessho, elles sont amies, c’est évident.
Pour prendre rendez-vous avec Fumie, c'est ici .