Julia Akatsu Stoyanov 赤津ストヤーノフ樹里亜
9 mars 2022Ayumi Iuchi 井内亜裕未
3 avril 2022Mes meilleurs souvenirs en France sont faits de rencontres de hasard avec des gens qui sont devenus importants dans ma vie.
Je suis née à Nara au Japon. A dix-sept ans, j’ai décidé de partir pour aller découvrir un autre pays. Je suis arrivée à Paris sur les conseils de ma soeur. Elle habitait en Suède, elle aimait beaucoup venir en France et je crois qu’elle rêvait inconsciemment d’avoir quelqu’un de sa famille à Paris.
Je ne connaissais rien de la France, mais ça m'a donné l’idée d’aller voir. J’ai contacté l’ambassade de France au Japon pour trouver une école où étudier les bases du dessin et de la peinture, car c’est ce que je voulais faire. A l’époque, je n'avais pas internet, j’ai téléphoné et je suis arrivée à Paris.
C’était il y a plus de vingt ans, je ne suis jamais repartie.
Je travaille pour le couple d’artistes Takesada Matsutani et Kate Van Houten que j’ai rencontrés quelques mois après mon arrivée. Cela me donne le temps de mener mon activité artistique.
Je participe à des expositions collectives, en France comme au Japon. J’explore la trace du temps, les processus de création, c’est ce qui m’intéresse. c’est souvent un mélange d’encres et de gravures sur bois. En ce moment, je travaille sur une nouvelle série, avec du dessin au fusain.
J’ai aussi des collaborations, L’année dernière, j’ai exposé mes dessins à Paris avec la poétesse Sophie Laroque-Texier qui m’a confié l’illustration de ses recueils.
J’ai rencontré Matsutani en visitant une galerie d’art à Bastille, la galerie Arichi qui existe toujours. J’avais discuté avec la propriétaire Japonaise, pour avoir des conseils car je ne connaissais encore personne, je venais d’arriver en France.
Elle m’a mise en contact avec lui car son atelier était tout près. Je suis allée le voir et j’ai commencé à travailler pour lui. Et ça continue depuis toutes ces années. Je suis son chef d’atelier, son assistante technique. J’aide pour les expositions, et le transport des œuvres, toutes les choses physiques.
Je travaille avec Kate pour sa maison d’édition pour les livres qu’elle fabrique, on travaille ensemble pour les reliures.
J’ai encore les images en tête de mon arrivée en car d’Air France de CDG à la gare de Lyon. Comme je n’avais ni idée, ni fantasme sur la France, du coup, c’était bien. Une surprise totale avec tant de choses que je n’avais jamais vues.
J’étais jeune, timide, un peu innocente mais je n’avais pas peur. J’ai eu la chance d’avoir les parents que j’ai, ils m’ont laissée partir sans montrer leur inquiétude. C’était ma décision, ma responsabilité, ils m’ont suivie.
Je trouve que la vie en France est très humaine, il y a beaucoup de problèmes mais on n’est pas tout seul. Grâce à mes amis, aux gens que j’ai rencontrés, mais aussi à des inconnus. Une énergie qui me soutient et qui m’aide parfois. Je ne ressens pas cela au Japon, il y a d’autres choses de positif bien sûr, mais ce n’est pas pareil.
C’est important pour moi toutes ces rencontres, voir des gens en vrai, pas au travers d’un écran.
D’ailleurs, mes meilleurs souvenirs en France sont faits de ça, des rencontres de hasard avec des gens qui sont devenus importants dans ma vie. Je suis bien entourée. J’ai mes deuxièmes ou même troisième parents ici, par exemple un couple franco-japonais qui m’a accueillie quand j'étais étudiante.
J’ai appris beaucoup de choses en France, une manière de vivre, des gestes qui peuvent surprendre quand je suis au Japon. Cela n’a pas d’importance pour moi. Ma famille me dit souvent que je deviens française, je n’ai pas cette impression, car je reste à la base très japonaise. En fait, je suis moi-même.
Je n’ai pas toujours le niveau de français suffisant pour exprimer tout ce que je ressens, il y a aussi des choses culturelles qu’on ne peut pas complètement comprendre quand on est étranger. Je ne saisis pas toujours la logique de certaines personnes avec qui j’ai pu travailler, leur façon de s’organiser, je fais avec. Il peut m’arriver des choses désagréables mais ce n’est jamais grave.
Je voyage de nouveau, cela m’a manqué. Je rentre de New York où je suis allée pour le travail. Quelle joie de me retrouver à l’aéroport, dans cette ambiance.
J’ai récemment emménagé dans un nouvel atelier, j’y prends mes marques. Créer est important pour moi, et aussi rencontrer le plus de bonnes personnes possibles. Aller à la découverte de regards que je n’ai pas. Parfois ils me permettent de me découvrir moi même. J’ai plein d’envies, j’aimerais avancer dans mon travail d’artiste, pouvoir en vivre plus confortablement.
Ma famille commence à me manquer, cela fait deux années que je ne l’ai pas vue, à cause de la crise sanitaire. Avant j’allais au Japon au moins une fois par an ou ma sœur venait à Paris. Elle travaille toujours avec la Suède, donc elle a l’occasion de venir en Europe. J’espère que cela pourra se faire bientôt.
Comme la plupart des Japonais j’imagine, j’ai la nostalgie des onsen et de la nourriture.
A un moment, j’ai pensé retourner au Japon ou même aller vivre dans un autre pays d’Europe. Je ne les connais pas tous, je dois voyager avant, les découvrir peut-être au travers de résidences d’artistes. Dans mes critères de choix, il faut de la bonne nourriture et de bons produits frais, car j’aime cuisiner.
La nature des pays nordique m’attire, mais côté gastronomie, c’est plus difficile. Y séjourner quelques mois, pourquoi pas. Je crois que je préfèrerais les pays du Sud.
En attendant, ma vie est ici, mais la question reste ouverte.
Quand je rentre au Japon, j’apporte toujours du vin et du fromage. Mais là, si je pars vivre ailleurs, j’amènerai juste mon permis de conduire français.
La vie est courte donc il faut absolument en profiter, en restant en bonne santé.
C'est Valérie Douniaux qui m'a mise en contact avec Hiroko. Merci Valérie !
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