Shinobu Morohashi 諸橋忍
1 décembre 2021June Fujiwara 藤原淳
21 décembre 2021L’odeur de la baguette fraîche chaque fois que je vais à la boulangerie est un petit bonheur dont je ne me lasse pas.
Je m’appelle Naoko, je viens de Tokyo et j’habite en région parisienne depuis 2003.
Je suis acheteuse de bijoux fantaisie et d’accessoires de mode. Je travaille avec des artisans et des designers français et européens, que je rencontre dans les salons et au fil de mes recherches. Après, je fais le lien avec des entreprises japonaises qui sont intéressées pour acheter leurs créations. J’aime beaucoup faire ça, découvrir et sélectionner des créateurs qui fabriquent des objets intemporels qui durent et ne se démodent pas. Le fait d’être une Japonaise qui habite en France me permet de comprendre les deux cultures et cela facilite les échanges.
Après mes études, j’ai travaillé pendant deux ans au Japon, dans l’audiovisuel. Puis, j’ai repris mes études, je suis partie en Angleterre pour faire un master en Food Sciences. Là, j’ai rencontré celui qui est devenu mon mari. Nous avons vécu ensemble quelques années à Londres, avant de venir à Paris. Nous avions envie de fonder une famille, alors nous avons choisi de vivre en France plutôt qu’au Japon. Nous pensions qu’élever des enfants métis serait mieux ici, car il y a beaucoup de mixité et de gens différents, et plus de tolérance, on accepte plus l’erreur je crois.
J’ai continué mon travail dans le secteur de l’agroalimentaire, j’étais dans l’export. J’ai appris le français en arrivant à Paris, je n’avais pas le choix car à ma grande surprise peu de Français parlaient anglais, ils s’attendaient même à ce que je parle français. Venant de Londres, je m’imaginais que l’anglais était courant en Europe.
J’ai arrêté mon travail pour avoir mes enfants. J’ai eu quelques soucis de santé, je n’ai pas pu continuer et je ne parlais pas assez bien la langue pour expliquer ce qui m’arrivait. Mon médecin a été génial, il a réuni toute une équipe pour m’accompagner et prendre soin de moi. Mes grossesses se sont finalement bien passées. Je ne sais pas si au Japon tout cela aurait été géré si humainement.
Travailler chez moi s’est avéré plus pratique. Au salon Maison et Objet à Paris, j’ai rencontré Neo, une créatrice italienne avec qui j’ai eu envie de collaborer. J’ai eu l’idée de montrer ses créations au musée Mori à Tokyo. Je n’y connaissais personne, j’ai écrit un peu au hasard. L’acheteur du musée a été intéressé, voilà comment notre collaboration a démarré.
A chaque nouvelle exposition, j’étais chargée de sélectionner des bijoux de créateurs venus d’Europe, ensuite vendus dans leur boutique. Au bout de quelques années, il y a eu un changement de responsable, ma collaboration avec le musée Mori s’est arrêtée.
J’ai continué à travailler avec des magasins indépendants au Japon. Il y a un contact sur place qui s’occupe des stocks et de la logistique. Depuis trois ans, je vends aussi en direct aux particuliers au Japon et en France via mes sites internet. L’activité en France est plus récente, je n’ai pas encore beaucoup communiqué, il me faut progresser en marketing, même si je suis à l’aise avec Instagram. Pour l’instant, je propose des étoles en cachemire de la marque japonaise Caleido et quelques bijoux fantaisie. L’ouverture prochaine de mon showroom rue Mirabeau à Paris m’occupe bien en ce moment, j’aurai enfin un endroit pour accueillir mes clients et leur montrer ma sélection.
J’aime beaucoup vivre en France. Je ne sais pas de quoi demain sera fait mais je suis contente de cette expérience. Sans elle, il aurait manqué quelque chose dans ma vie.
J’ai pris certaines des mauvaises habitudes des Français, comme me garer en double file pour aller faire une course. J’adore le beurre et la crème fraîche, c’est l’influence de mon mari qui est normand, ou aller au marché en plein air. L’odeur de la baguette fraîche chaque fois que je vais à la boulangerie est un petit bonheur dont je ne me lasse pas.
Je trouve les gens chaleureux ici, surtout une fois qu’on est devenus amis. Par contre, le truc qui m’agace, c’est de faire les démarches administratives ou d’aller à la banque pour payer mon fournisseur au Japon. Je n’arrive jamais à avoir la même réponse, cela varie en fonction de qui j’ai en face. Il n’y a pas de règle, des fois ça marche, des fois c’est la galère. C’est une vraie partie de pêche, il faut beaucoup de patience, cela me fatigue.
Du Japon, les onsen me manquent, ainsi que tous les massages autour du bien-être.
Si j’étais seule, je me poserais la question de repartir y vivre, mais avec une famille c’est compliqué. Peut-être quand je serai plus âgée ? Ou alors, faire moitié-moitié. J’y retourne deux fois chaque année, une fois avec les enfants, et une fois pour le travail.
Mais en ce moment, je n’ai pas le courage d’y aller, c’est trop compliqué. Pourtant cela m’aiderait dans mon business. Comme il y a moins de salons, des restrictions de déplacement et des gens qui dépensent moins, cela me déprime un peu.
Je ne sais pas trop ce que j’amènerai de la France, des cosmétiques et produits de beauté probablement, du beurre peut-être si c’est l’hiver.
J’ai rencontré Naoko lors d’un vernissage à la galerie Anthologie à Paris, elle a très gentiment accepté de me recevoir.