Hiromi Horikawa 浩美 堀川
11 septembre 2020Eri Furuya Fabing 古谷 ファバン 恵理
19 septembre 2020Ce pont, c’est le pont entre le Japon et la France, c’est celui que j’aimerais créer en faisant découvrir la cuisine de ma région, et aussi la langue japonaise.
Je m’appelle Tomoaki Shibata, je viens de Kobe dans le Kansai, mais je suis né à Niihama dans la préfecture d’Ehime, sur l’île de Shikoku. Mes grands-parents et mon cousin y habitent encore.
Je suis arrivé en France en 2016. Je suis cuisinier, je travaille dans un restaurant japonais à Caluire, près de Lyon. Je suis marié à une Française depuis 2011. Ma femme, depuis toute jeune, elle s’intéresse à la culture asiatique, aux mangas, aux arts martiaux, elle a appris le japonais seule au lycée, puis elle est venue au Japon quand elle était étudiante. On s’est rencontrés là-bas, à mon club de Nihon kempo (boxe japonaise), j’avais 20 ans. Elle est restée dix mois au Japon, après c’était l’amour longue distance. Je venais en France, et elle au Japon, plusieurs fois. Elle a mon âge, nous nous sommes mariés à 25 ans, nous en avons 34 maintenant.
Nous avons habité cinq ans au Japon, et puis nous sommes rentrés en France. J’étais venu plusieurs fois avant l’immigration ; maintenant, c’est complètement différent, comme une deuxième vie. Au Japon, ça me plaisait ma vie, mais j’ai senti que c’était un peu moins intéressant pour moi. La vie en France, je ne pouvais pas du tout imaginer, alors pourquoi ne pas essayer ? J’aime bien vivre au Japon, et j’aime bien vivre en France. La famille de ma femme habite près de Lyon, j’étais venu plusieurs fois, c’était naturel d’habiter ici. J’aime bien Lyon, mais cela ne me dérangerait pas d’aller ailleurs.
Là où je travaille, je suis le seul Japonais, c’est bien pour apprendre le français, mais au début c’était difficile. Je m’occupe des plats chauds.
Un prochain jour, je voudrais ouvrir mon restaurant japonais authentique. Les cultures françaises et japonaises sont très différentes, beaucoup Français veulent apprendre le japonais, goûter la vraie cuisine japonaise mais il n’y a pas tellement de restaurants comme ça ici. Ma spécialité c’est l’okonomiyaki, une sorte de crêpe salée cuite sur une plancha, le teppan en japonais. C’est un plat familial mais son goût est raffiné. J’utiliserai le teppan pour faire d’autres plats, le yakisoba, le yakiudon, ce sont des nouilles sautées. Je réfléchis déjà au nom, au menu, à l’endroit…
La photo avec l’île Barbe à Lyon, c’était évident car je viens souvent courir ici après le travail, durant mes pauses, c’est tranquille, j’aime beaucoup. Ce pont, c’est le pont entre le Japon et la France, c’est celui que j’aimerais créer en faisant découvrir la cuisine de ma région, et aussi la langue japonaise. Pour ça, je fais des stories sur Instagram, j’y présente des mots japonais, allez voir, dites-moi si c’est bien ? Mon compte est récent, j’ai déjà pas mal d’abonnés, certains sont sympas. Quand je me trompe dans la grammaire, quelqu’un me corrige, c’est chouette.
Ce que je pense de la France ? Il y a beaucoup de libertés. Au travail, dans la vie aussi. Dans mon pays, on sent que tout le monde doit penser la même chose, ici c’est dans toutes les directions, on peut vivre comme on veut.
Par contre, je ne comprends toujours pas pourquoi on doit payer ou consommer pour aller aux toilettes. La première fois que je suis venu en France, je suis entré dans un McDo, on m’a carrément empêché d’y aller, je ne parlais pas encore bien français, j’étais perdu. C’est une petite chose, mais cela m’a marqué.
J’ai plein de bons souvenirs dans ce pays…. il y a la Nouvelle-Calédonie, c’est aussi la France, nous sommes allés là-bas voir notre ami, c’était magnifique, les plages, la mer. Il y a les cathédrales, Notre-Dame de Fourvière à Lyon, Notre-Dame à Paris, les intérieurs sont très beaux. J’aime bien voyager en France, et en Europe, j’aimerais bien. C’est très marrant pour moi, on peut aller dans d’autres pays en voiture, en train, en bateau, en moto, il y a le choix. Au Japon, quand on va à l’étranger, il faut prendre l’avion. Alors ça me plait de choisir. Mais ce qui est dommage, c’est que beaucoup de monde jette des déchets, partout, alors que c’est un très beau pays. En plus il y a plein de poubelles… ce n’est pas comme au Japon.
Du Japon, ce qui me manque, ce sont ma famille, mes amis. Comme je suis cuisinier, au niveau nourriture ça va, mais le poisson c’est pas facile, on ne trouve pas les mêmes. J’aime beaucoup la cuisine française, alors ce n’est pas trop grave. J’ai appris dans un restaurant français au Japon, je peux faire le boeuf bourguignon, la crème brulée, les financiers. De mon pays, les onsen me manquent aussi, surtout l’hiver.
Par contre, depuis que je suis en France, j’ai perdu cette habitude, quand je rencontre quelqu’un je ne le fais plus ça (il mime une courbette), je serre la main ou bisou, c’est bien français non ?
Retourner vivre au Japon ? Cela dépendra de ma fille, de ce qu’elle voudra faire plus tard, je ne sais pas. Elle a trois ans, elle commence à parler les deux langues. Chez nous, nous parlons japonais, à l’extérieur nous parlons français. Alors on verra bien. Peut-être je mourrai ici…
J’ai trouvé Tomoaki sur Instagram, j’ai aimé son compte, je l’ai invité.