Tomoko et Masaki Yamamoto 山本正樹 朋子
9 juillet 2021Jinno Raitetsu 神野来哲
14 juillet 2021Il faut accepter ce qui arrive, toujours essayer de s’améliorer, et vivre chaque jour du mieux qu’on le peut.
Je m’appelle Tomoko, je suis née et j’ai grandi à Osaka. Je suis arrivée à Montmartre en 1997, j’y habite toujours. Je donne des cours de cuisine, de calligraphie, je fais découvrir aux français la vie quotidienne d’Osaka, ma ville natale. Je leur apprends aussi à faire des origamis, des furoshikis et à porter le kimono.
Pour mon premier voyage à l’étranger, je suis allée au Maroc, à Meknès, c’était en 1993. Ma meilleure amie y habitait alors. Grâce à elle, j’ai rencontré des Marocains très chaleureux et accueillants, j’ai beaucoup aimé leur cuisine. Elle m’a emmenée dans le Sahara, il n’y avait rien, que du sable, cela reste pour moi le plus bel endroit au monde.
Nous sommes rentrées au Japon, mais moi, je voulais absolument retourner au Maroc, il me fallait juste parler arabe ou français.
Au Japon, j’ai cherché une école pour apprendre l’arabe, il n’y avait que l’université, ce n’était pas ce que je voulais faire car j’avais un métier. Donc j’ai appris le français. Cela m’a permis de retourner chaque année au Maroc. Quand j’ai enfin trouvé une école qui enseignait l’arabe, c’était plutôt des cours de littérature, cela ne servait à rien, j’ai abandonné après quelques mois. Quand même, que cette langue est difficile !
J’ai travaillé pendant sept ans dans le monde du spectacle, dans une société qui organisait des concerts, plus de quatre cents par an. Le travail dans un bureau, ce n’était pas pour moi, j’avais plutôt envie de contribuer au spectacle lui-même, au son, à la lumière, par exemple, mais c’était trop tard pour recommencer des études.
Alors, j’ai eu envie de partir à Tokyo ou à Paris, la capitale des arts. Comme je parlais un peu français, j’ai choisi Paris. Je suis arrivée en 1997. J’ai fait plusieurs écoles de langues pour améliorer mon français. A cette époque, il n’y avait que le minitel, c’était compliqué d’obtenir les informations sur les formations. Pour s’inscrire, il fallait aller sur place, les interlocuteurs n’étaient pas toujours aimables, surtout quand on ne parlait pas bien français.
En parallèle, j’ai cherché à travailler mais le métier que je faisais au Japon n’existait pas en France. J’ai rencontré une Japonaise qui m’a mise en contact avec l’ambassade du Japon à Paris. J’ai aidé à l’organisation de spectacles avec des groupes japonais, il y avait alors plein d’opportunités, ce n’était pas encore la crise.
En 2004, l'Office de tourisme de Paris a lancé l’initiative « Paris avec les Parisiens » pour que les touristes puissent rencontrer des parisiens, en plus de visiter les monuments.
A cette période, j’apprenais la peinture sur soie. Quand mon professeur a été sollicité, il m'a proposé de participer. Cela m’a donné l’idée de montrer la vie des Parisiens aux Japonais.
Il y avait tellement de décalage entre l’image que nous avions au Japon de la France et la réalité. Moi j’ai connu la France avec les revues des années 90, Madame Figaro, Marie-Claire. Je pensais que les Français habitaient de grands appartements, que les petits studios n’existaient pas, mais pas du tout.
Quand je suis arrivée à Montmartre en 1997 à la station des Abbesses, il y avait encore du trafic de drogue, c’était très populaire et très vivant.
Et dans l’autre sens, cela me paraissait intéressant de faire connaître la culture d’Osaka, ma ville, aux français. Voilà comment mon association Manekineko est née en 2005.
Par chance, mon mari qui est Maître luthier, venait de changer de local, j’avais donc un endroit tout trouvé pour donner mes cours.
En France, ce qui est bien, c’est que vous acceptez l’erreur. Il est possible de dire « Ce n’est pas grave », surtout au travail, ce qui est inimaginable au Japon.
Dans mon pays, il y a beaucoup de règles. Le livre d’Amélie Nothomb « Stupeur et Tremblements » reflète bien le Japon de mon époque. Si j’étais restée là-bas, je crois que je serai devenue un robot, à force de ne pas supporter les gens qui font des erreurs. Heureusement la société a évolué depuis, d’ailleurs les jeunes Japonais ont du mal à croire que c’était comme ça.
Et puis j’apprécie aussi comment vous les Français vous gérez les problèmes, vous faîtes comme vous pouvez pour trouver une solution, alors qu’au Japon, on suit la procédure et quand cela ne marche pas, on ne sait plus quoi faire.
Le côté de la France que j’aime le moins, c’est que vous n’êtes pas toujours dans l’harmonie, vous êtes très individualistes. Vous partagez avec votre famille et vos amis, mais finalement peu avec des inconnus, ce n’est pas spontané. Ça change quand même, la crise de la covid a fait beaucoup. Dans mon pays, avec toutes les catastrophes naturelles, sans cette solidarité, tout le monde serait mort.
Il y a des côtés du Japon que j’aime beaucoup, d’autres que je n’aime pas, et c’est pareil pour la France. J’équilibre. Je pense qu’il n’y a pas de négatif dans la vie, il y a toujours du bien même dans le pire. Il faut accepter ce qui arrive, toujours essayer de s’améliorer, et vivre chaque jour du mieux que je peux.
La mentalité de Osaka et mes amis me manquent beaucoup. Cette mentalité d’Osaka est difficile à expliquer, même au Japon. Je dirais que les gens sont plus chaleureux, ils rigolent tout le temps, c’est plus relax, c’est une façon de vivre différente. J’ai un peu retrouvé ça au Maroc.
Je ne pense pas habiter en France jusqu’à la fin de ma vie, en fait je ne sais pas.
Si je pars, je donnerai mes affaires, sauf quelques vêtements. Les objets ne sont pas importants. Je suis venue sans rien, je repartirai sans rien. Quand je serai morte, tout ira probablement à la poubelle. C’est pour cela que j’aime tant le Sahara, il n’y a rien, que la nature.
Peut-être que cette nuit je vais mourir ? Je ne connais pas l’avenir, je fais juste de mon mieux chaque jour. Mon pays est un pays de catastrophes, il y a des tremblements de terre, des typhons, des tsunamis, des volcans.
Si je me dispute avec quelqu’un, je lui dis rapidement que je suis désolée plutôt que de risquer de ne jamais le faire, si jamais je mourrais avant.
J'ai découvert Tomoko sur Facebook. Elle a très gentiment accepté de participer.
Manekineko de Montmartre