Kiriko Nozaki 野﨑霧子
7 février 2021Eri Maruyama 丸山依里
21 mars 2021Céline, elle est m’a donné le goût de la France, elle est celle par qui l’histoire a commencé.
Je suis une japonaise originaire de Tokyo. J’ai deux grandes filles. Mon mari, je l’ai rencontré au Japon. Nous sommes arrivés en région parisienne il y a quatre ans. Au début c’était très difficile pour moi, c’est bien mieux maintenant.
Dans mon pays, je travaillais en tant qu’économiste pour une organisation non gouvernementale, une ONG. Elle forme des japonais qui interviennent sur des projets de développement dans les pays émergents en Afrique et en Asie du Sud Est. Elle gère aussi des projets en collaboration avec le Ministère des Affaires Étrangères du Japon et l’Agence Japonaise de Coopération Internationale.
C’était passionnant, je m’y suis beaucoup investie.
La recherche la plus intéressante à laquelle j'ai participé a été l'étude menée sur le rôle des ONGs dans le domaine de la coopération internationale. J’ai ainsi voyagé aux États-Unis et au Canada où j'ai travaillé avec les agences gouvernementales sur les rôles respectifs des gouvernements et des ONGs. J'ai également rencontré toutes sortes d’organisations engagées dans les pays en développement. J'ai cherché la manière la plus efficace de résoudre les problèmes de ces régions.
J’ai arrêté après la naissance de ma deuxième fille, ce n’était plus compatible. Comme le sujet me passionnait, j’ai repris plus tard mes études pour faire une thèse, mais le temps me manquait, j’avais deux jeunes enfants à la maison.
Pour la photo, j’ai choisi d’être avec Céline, ma meilleure amie, c’était évident. Elle est m’a donné le goût de la France et elle est celle par qui l’histoire a commencé.
Céline est française. Je l’ai connue étudiante à l’IDEC, l'École supérieure de Développement et de Coopération Internationale qui dépend de l’université d'Hiroshima. Je faisais un master d’économie appliquée à la protection de l’environnement. C’est après un stage dans une ONG aux Philippines que j’ai eu envie de me spécialiser sur ce sujet, j’avais été horrifiée par les dégâts de la déforestation.
Nous n’étions pas dans le même cursus, je l’ai rencontrée grâce à Maiko, une amie commune. Après, nous étions tellement proches que nous nous sommes appelées les trois mousquetaires de l’IDEC ! Céline était la seule française parmi tous les étrangers, il y avait beaucoup de chinois, de coréens.… nous partagions le même appartement.
Un jour elle m’a proposé une « crêpe party » avec des amis français, il y avait celui qui est aujourd’hui mon mari. Il faisait son doctorat à l’université d’Hiroshima, il travaillait pour la société Elf qui depuis a changé de nom.
J’ai terminé mes études avant lui, je suis rentrée à Tokyo pour m’occuper de ma mère qui était gravement malade. Elle a souffert deux longues années, puis le cancer a fini par l’emporter. Mon père était dévasté, alors j’ai décidé de rester avec lui quelques temps.
A la fin de sa thèse, mon mari a été muté à Kyoto. Nous avons vécu à distance pendant presque cinq ans, le temps pour lui de trouver un poste à Tokyo. Nous nous sommes mariés à ce moment-là. Mon père est un vrai japonais, bien traditionnel, les mariages internationaux, il était contre. Mon mari lui a écrit, il a été d’accord avec notre mariage et il est maintenant très heureux pour nous. Il n’a jamais vraiment fait d’effort pour découvrir et connaître la culture française, c’est dommage.
Je savais qu’un jour, l’expatriation de mon mari se terminerait, je m’y étais préparée. Mais cela ne venait jamais, il est quand même resté au Japon dix-huit ans.
Et un jour, voilà, l’annonce du retour en France. Lui était content, mais moi j’étais très affectée. Tout comme mes filles, elles avaient sept et douze ans, leur vie était au Japon. En plus, elles parlaient peu français, car elles ont fait leur scolarité à l’école publique japonaise. Mon ainée ne voulait pas partir, elle était terrorisée. Cela a été dur pour elle de quitter ses amies.
Pour nous trois, les premiers temps en France ont été éprouvants. Pourtant, chaque été, nous venions voir la famille, mais y habiter, c’était autre chose. Parler français, faire les courses, remplir les papiers, cela faisait beaucoup à assimiler.
Maintenant, tout va bien. Mes filles sont bien intégrées, même si elles aiment toujours le Japon. D’ailleurs mon ainée veut y retourner pour ses études supérieures.
Je crois même que c’est plus facile ici. Quand elles étaient petites, ce n’était pas toujours simple, le fait d’être binationales, certains japonais les trouvaient différentes. Heureusement, elles avaient de bonnes amies.
Avec du recul, c’était une bonne décision de venir en France, surtout pour elles. Elles apprennent à dire ce qu’elles aiment ou n’aiment pas, à donner leur avis, c’est une grande liberté par rapport à la culture du Japon. A leur âge, on apprend vite, elles découvrent l’histoire et la France. Elles ne connaissaient finalement pas grand-chose de ce pays avant d’arriver, malgré leur séjour chaque année dans la famille.
Moi aussi j’ai appris à donner mon avis, je m’exprime plus qu’avant. Quoi que les gens pensent, je dis ce que je ressens. Si je dois retourner habiter au Japon, il faudra me réadapter, et être moins française.
J’avais douze ans quand je suis venue pour la première fois en France, mon grand-père m’avait offert un voyage express en Europe, un jour en France, un en Allemagne et un en Espagne. A Paris, je me souviens du Louvre, de l’opéra Garnier. C’était ma première fois en Europe, tout était merveilleux.
Je suis revenue dans les années 2000, cette fois-ci avec mon mari. J’étais comme une touriste, tout était nouveau, j’étais impressionnée. En plus, c’était confortable, être avec mon mari et sa famille, je n’avais pas à parler français, ni à m’occuper de quoi que ce soit, juste profiter.
Ce qui m’a le plus surpris, une fois que nous avons emménagé, c’est le manque d’amabilité des caissières au supermarché. Elles sont même parfois mal polies. Je me demande toujours si c’est de ma faute, du fait que je sois asiatique, ou si c’est pareil avec tout le monde. Au Japon, on est toujours gentil avec les clients, quoiqu’il arrive, c’est culturel.
J’ai beaucoup de chance d’avoir du temps, je m’occupe de la bibliothèque du lycée international où vont mes filles. Et je profite des musées de la région. J’aime beaucoup celui de Monet à Giverny et le musée d’Orsay, ils ont une atmosphère spéciale, les œuvres sont très belles. Ces expériences ne sont pas possibles à Tokyo. Nous avons des musées, des expositions, mais il y a tellement de monde, cela défile, on ne peut même pas s’arrêter pour contempler un tableau.
La France et le Japon ont beaucoup de choses en commun, des deux côtés, il y a de l’amour pour nos cultures respectives. Je n’avais pas conscience de la curiosité et de l’intérêt des français pour mon pays.
Maintenant que mes filles sont grandes, j’aimerais retravailler dans ma filière, pour une organisation gouvernementale ou une ONG. Il y a plein de possibilités pour me rendre utile, mais je prends mon temps. J’en profite pour mieux connaître Paris et la France.
Le Japon me manque, mes amis, mon père, et la nourriture. Même si ici on peut acheter tout ce qu’on veut, ce n’est pas pareil, je ne peux pas cuisiner tous les plats, et les vrais restaurants japonais sont chers. Je comprends mieux pourquoi mon mari mangeait du fromage tous les jours quand nous vivions au Japon !
Mon mari pourrait de nouveau être muté à l’étranger, aux États Unis, en Chine ou ailleurs… tout est possible. Peut-être qu’un jour nous repartirons habiter au Japon, qui sait ?
Quand je quitterai la France, j’emporterai du miel et du café, comme à chaque fois que je retourne au Japon. J’aimerais bien amener vos musées, mais là c’est simplement impossible.
Yuko a été invitée par Hiroko Bessho, elles habitent toutes les deux à Saint Germain en Laye.